Encore une réussite magistrale pour Nanni Moretti.

Habitué du festival de Cannes, Nanni Moretti, a présenté lors de cette 68ème édition, son 13ème long métrage, le très personnel Mia Madre. Il s’agit d’un portrait réaliste d’une période de vie difficile. Margherita Buy y campe son alter-ego féminin avec beaucoup de grâce et de talent. Un drame qui rappelle le don du réalisateur pour les tragédies puissantes et intimes.
Margherita est en plein tournage. A la tête d’une grosse équipe, elle réalise un film social sur la fermeture d’une usine, la solidarité ouvrière et la précarité de l’emploi en Italie. Comme tête d’affiche, elle a un célèbre et excentrique acteur américain. Son ego sur-dimensionné et ses anecdotes autocentrées manquent d’ailleurs de faire virer le projet au cauchemar. En plus de ses problèmes d’ordre professionnels, sa mère développe successivement plusieurs maladies qui transforment une simple hospitalisation, en amorce de deuil.
Avec Margherita Buy (déjà présente dans Habemus Papam), l’excellent John Turturo et Nanni Moretti dans un rôle plus restreint que dans La Chambre du Fils, nous avons un film qui resplendit de puissance et de sincérité. Certes, il n’a pas eu de prix en compétition officielle, cependant, il reçoit le prix du jury oecuménique « pour sa maîtrise et son exploration fine et élégante, imprégnée d’humour, de thèmes essentiels dont les différents deuils auxquels la vie nous confronte. »

Visuellement Moretti offre, comme à son habitude, quelque chose de sobre et propre. La force de son film réside dans ses personnages touchants, et son récit universel. Il rapproche d’ailleurs le spectateur de son héroïne par un stratagème inventif. A l’instar d’un réalisateur tel que Federico Fellini, Moretti perpétue le penchant du cinéma italien pour l’onirisme. Si Fellini insert des rêveries fantasques dans ses films, ici Moretti, de manière plus subtile offre un accès direct à l’inconscient de son personnage. Des séquences de rêves s’entremêlent au récit de vie de Margherita. C’est en usant des symboliques freudiennes, qu’il révèle les peurs intimes de sa réalisatrice. L’allégorie est donc préférée au dialogue, pour un rendu plus percutant et surtout moins lourd.
L’ouverture de Mia Madre n’est pas sans rappeler celle de la Nuit Américaine de Truffaut, qui lui aussi se sert de la mise en abîme du cinéma, pour en réalité offrir un discours plus étendu. Cette petite jouissance pour cinéphile, peut, peut-être, perdre un peu le spectateur moins initié.

In Fine, Mia Madre ne touche pas par le pathos de sa thématique principale, qui est celle de la perte d’un parent, mais bien par la justesse de ses personnages. Nanni Moretti, n’hésite pas à passer en second rôle, et à se servir très habilement de la belle sensibilité féminine et maternelle de son actrice, pour toucher son public. Ce film n’a pas reçu de palme, mais il restera un grand film que Cannes a applaudi, et à juste titre.